Saint Pétersbourg Théophile Gautier
Quelle belle écriture, on a du mal à se souvenir que nos classiques écrivaient si bien ! Voyage en Russie, dans cette ville septentrionale où l'hiver transforme le fleuve Neva en une vaste avenue où l'on se promène, où les troïkas vont de la perspective Newski à la Fontanka avec leurs passagers emmitouflés dans leurs fourrures, un moment dépaysant, attrayant, rare.
Un train mythique, de vastes et mornes plaines, des gares pleines de monde, de bruits, d'odeurs, des villes aux églises à bulbes, aux isbas grises, toutes les races, tous les types d'individus, voilà un voyage qui fait rêver, fort minutieusement décrit par l'auteur. Dommage que sa pesante idéologie recouvre ce récit d'une chape de plomb bien lourde.
Eugène Fromentin est plus connu comme peintre que comme écrivain, et c'est sans doute dommage parce qu'il écrit avec l'oeil du peintre ! Sensible aux couleurs, aux atmosphères, aux détails de la lumière, avec des mots justes, précis, son récit, sous forme de lettres, est un véritable tableau du sud de l'Algérie. En lisant ce livre, on sent la force du soleil, le chant du vent, on entend craquer la végétation sèche sous les pas des dromadaires, et on hume l'odeur du méchoui !
Elles ont conquis le monde Alexandra Lapierre - Christelle Mouchard
les grandes aventurières 1850-1950. Chapeau mesdames ! Si voyager actuellement est, la plupart du temps, un plaisir assez aisé à satisfaire, ce n'était vraiment pas le cas dans les siècles passés, déjà pour les hommes, mais encore plus pour les femmes dont la liberté était socialement si étroite. Bravant interdits et absence du moindre confort, elles partaient, là où il n'y avait rien pour les accueillir, là où elles risquaient leur vie à chaque pas, uniquement pour découvrir le monde, pour ouvrir leur regard à tout ce qu'elles voulaient connaître. Un beau livre, bien écrit, qui permet de faire connaissance avec de sacrées bonnes femmes !
Nicole Viloteau est naturaliste, herpétologue, photographe animalier, exploratrice mais aussi conteuse et poète ! Quelle richesse dans le vocabulaire pour décrire ces jungles ou ces déserts, ces serpents ou ces volatiles, ces montagnes ou ces forêts, et quelle écriture aussi spontanée qu'agréable à lire. Voilà un livre qui dépayse totalement, qui fait découvrir des paysages étranges et envoûtants, qui donne vraiment envie d'aller voir ailleurs. Un seul petit reproche, le volume comporte plus de 500 pages, et forcément, il y a quelques redondances dans les descriptions et le poids du bouquin interdit de l'emporter avec soi... en bivouac !
Une vie de routard Philippe Gloaguen
Qui n'a jamais utilisé un quelconque Guide du routard ? Personne, ou alors, bien peu de gens, puisque ces petits livres sont devenus les familiers des sacs et des valises de tous les voyageurs depuis que le tourisme et les voyages se sont démocratisés. Sans doute connaît-on moins son charismatique concepteur ? Homme pittoresque, qui a eu le mérite d'arriver au bon moment, avec la bonne idée, celle qui était attendue, et de l'exploiter avec pugnacité et compétence. En tous cas, l'aventure de ce guide de voyage pas comme les autres (enfin, c'était vrai à l'époque de sa création, nettement moins maintenant), un des grands succès de librairie des dernières années, est fort intéressante, le livre est écrit simplement, de façon vivante et sa lecture est aussi plaisante que reposante.
Carnet d'une route de la soie Paule et Arthur
Quel formidable voyage, tant par son périple que par ses conditions : de la Tunisie au Népal, en passant par la Syrie, la Turquie, l'Iran, le Pakistan, la Chine, le Tibet, le Népal.... le tout en vélo ! Avec des paysages étonnants, des températures allant de -15° à + 50°, des rencontres exceptionnelles, de la peur, de profondes joies, des tracasseries administratives, et des personnages fabuleux. Tout ça pour la plus grande joie du lecteur qui découvre en compagnie de ces deux courageux cyclistes, une partie de la planète. Un livre tout à fait passionnant. Juste deux bémols à l'enthousiasme, l'idéologie pesante qui aurait pu être un peu moins martelée, et le parti-pris de l'utilisation du passé simple qui alourdit certains passages du récit.... le comble pour un périple en bicyclette !
Pieds nus à travers la Mauritanie Odette de Puigaudeau
Beau récit de voyage, au rythme lent des dromadaires dans les sables mauritaniens, avec ses nuits tièdes animées par les griots, ce périple anormal fait par deux femmes européennes au milieu des nomades, entre deux postes de gardes français, qui sont déjà des survivances du passé. Cette femme intrépide est de la race de Michel Vieuxchange, de ceux que la douleur, les blessures, les trahisons n'arrêtent ni ne découragent. Ce parcours, effectué dans les années 1930, semble toutefois être beaucoup plus ancien, tellement tout à changé depuis, même la façon de parler des gens....
L'extraordinaire épopée d'un homme qui explore l'ouest saharien seul, en compagnie de guides plus ou moins fiables, dont il ne comprend pas la langue, à la recherche d'une ville en ruine, Smara, le tout dans les conditions pénibles que lui impose un environnement aussi beau qu'hostile. Ce livre est la compilation des notes prises par son frère, resté en zone plus civilisée, qui l'aide à distance. Comme ce dernier a respecté le style notes, la rédaction générale en souffre un peu, d'autant plus qu'on ne comprend pas vraiment les motivations de ce voyageur, mais l'atmosphère du désert est parfaitement bien rendue, la lente marche des dromadaires, le sable, le reg, les montagnes dans la brume, les casbah effondrées, tout contribue au dépaysement et à la nostalgie.
Pélerin d'Orient François-Xavier de Villemagne
De Paris à Jérusalem, 6000 kms environ, à pieds à travers l'Europe Centrale, la Turquie, le Proche Orient, dans les déserts, les montagnes, les villes, les conflits, pour arriver le jour de Noël à Bethleem, huit mois plus tard. Même si les motivations religieuses de l'auteur n'étaient pas l'unique base de ce périple, elles sont toutefois omniprésentes tout au long de ce passionnant récit, que l'on suit sans s'ennuyer une minute, découvrant des paysages exceptionnels, faisant des rencontres inattendues, souffrant de la fatigue, de la faim, et vivant avec lui l'enthousiasme des découvertes et la joie d'avoir réussi. Aussi dépaysant qu'intéressant, une lecture positive et plaisante.
Atlantique Nord Redmond 0'Hanlon
Quand on a bien ri en lisant Au coeur de Bornéo du même auteur, on ne peut qu'être déçu par ce livre. Cette fois, l'anglais pittoresque s'embarque sur un chalutier en hiver dans l'Atlantique Nord, pour une équipée de pêche, dans des tourbillons de vent et des paquets d'eau glaciale, durant laquelle il vit avec les marins, aide à la remontée du chalut et à la préparation des poissons. Malgré un humour très british toujours présent, l'aventure est furieusement répétitive, et il y a plus de descriptions de poissons que d'histoire à proprement parler. Certes, à la fin, on sait quelle tête a un sabre ou un grenadier, et on apprend pas mal de choses avec le jeune étudiant qui l'accompagne sur les poissons et les fonds sous-marins, mais c'est vite lassant, parce qu'en fin de compte, il ne s'y passe rien. Donc, préférer d'autres oeuvres de cet auteur, le jubilatoire Help par exemple.
Un grand savant, un chercheur, un naturaliste, bref, un grand homme, qui a parcouru le Sahara dans les mêmes conditions difficiles que les autochtones, dans ce monde minéral sec et écrasé de soleil (ou englué dans les tempêtes de sable). On suit le lent cheminement des hommes et des dromadaires à la recherche du seul puits d'eau saumâtre, et des maigres arbustes, et on réalise à la fois la dureté du voyage et la fascination que ces paysages peuvent exercer sur les voyageurs. Un livre dépaysant en même temps qu'apaisant. Un superbe périple, en excellente compagnie.
Les drames de la mer Jean Merrien
Sous la plume délicieusement démodée de cet auteur si fécond, un panorama de toutes ces fortunes de mer qui émaillent l'histoire des hommes sur cet élément liquide souvent si dangereux. Des naufrages bien sûr, certains pitoyables, certains effrayants, des mutineries qui se terminent mal, des épidémies, des actes de pur héroïsme et des lâchetés bien humaines, tous ces récits sont passionnants, comme tout ce qu'écrit cet auteur, mais font aussi frémir...
Voyage autour du monde Louis-Antoine de Bougainville
Un extraordinaire document sur l'exploration du monde à la voile au XVIIIe siècle ! Quel courage, quelle témérité aussi, fallait-il à ces gens pour partir ainsi traverser Atlantique et Pacifique, avec tous les aléas climatiques, toutes les privations que ça entraînait, et tous les risques encourus.. La découverte d'îles nouvelles ou à peine explorées est passionnante, on imagine bien les réactions des sauvages locaux à l'arrivée de ces hommes qui leur ressemblaient physiquement si peu, et la crainte des explorateurs devant les réactions de ceux qu'ils ne considéraient pas vraiment à l'époque, comme leurs semblables.
Ouvrage un peu difficile à lire, à cause de cette si belle langue du siècle des lumières pleine de passé simple et de tournures élégantes dont on a (hélas) perdu l'habitude, à cause aussi de tous les termes techniques de la marine à voile, mais la vie sur un tel vaisseau est parfaitement bien observée et bien décrite, ainsi que les lieux parcourus. Un grand moment d'Histoire et d'Aventure, une superbe leçon de géographie, et de force de caractère aussi !
Seule sur le Transsibérien Géraldine Dunbar
Un récit de voyage tout à fait passionnant, si bien écrit en plus, si vivant ! On y découvre des paysages nouveaux, peu visités, de Moscou à Vladivostok, en passant par des noms magiques comme Novossibirsk, Irkoust, le lac Baïkal, le fleuve Ienissei... La jeune femme qui nous fait partager ce long périple nous fait aussi rencontrer des tas de gens, différents, tous perplexes au milieu des nombreux changements de vie récents, et sa sensibilité est souvent bouleversante. C'est donc plus qu'un simple récit de voyage, plus qu'un carnet de route ordinaire, et bien plus qu'un guide touristique, cet ouvrage est une belle, une très belle histoire.
Rites et mystères au Proche-Orient Nicole et Paul-Jacques Callebaut
Un périple au pays des enfants d'Abraham, des croyants des religions du Livre, Musulmans, fils d'Ismael, et de toutes les branches qui les composent, Juifs de toutes obédiences et Chrétiens de toutes les religions relevant du Christianisme. Un parcours très intéressant, par la richesse des différentes descriptions des rites, des évocations de tous ces lieux, patrimoines de l'humanité, des dialogues avec les gens rencontrés. Mais, ce livre a plus de 20 ans, et si, hélas, beaucoup de situations sont inchangées, d'autres ont empiré, et l'on revient de cette lecture avec autant d'amertume que de perte d'espérance... Pleure Jérusalem !
Voyageurs excentriques John Keay
Ah ces anglais ! Ils sont impayables ! Il n'y a vraiment qu'eux pour partir dans des endroits impossibles, avec l'équipement le plus inadapté qu'ils ont trouvé, et dans des conditions aussi compliquées, le tout se passant il y a plus d'un siècle ! Donc, il s'agit de l'histoire d'une poignée d'hommes britanniques, circulant dans des endroits du monde où, à leur époque, bien peu de gens se rendaient, pour des études scientifiques, politiques, ou pour assouvir une passion. Et ces récits sont stupéfiants, "incredible" comme auraient dit les contemporains de ces personnages sans peur, sans anxiété, sans le moindre doute quant à leur destinée ! Des fous du voyage ? Ah oui ! A tel point qu'on se demande si tout ça est bien vrai ou s'il s'agit d'affabulations. En tous cas, c'est un livre très amusant et très agréable à lire.
La canelle et le panda Jean-Marie Pelt
Biographies rapides de tous ces savants, botanistes, zoologues, qui ont parcouru le monde dans des conditions particulièrement difficiles (vu l'époque où ces voyages se déroulaient), pour découvrir des plantes rares, des animaux étranges, et parvenir à classer les espèces après avoir compris, petit à petit, tout ce qui faisait la richesse du monde végétal et animal. On découvre dans cet ouvrage des individus injustement méconnus, d'autres sur lesquels on apprend bon nombre de détails intéressants, le tout avec une écriture sobre, découpée en chapitres concis et vivants. Une lecture enrichissante.
L'usage du monde Nicolas Bouvier
Un livre à déguster, mot par mot, phrase par phrase tant l'auteur a du talent dans l'écriture, dans les descriptions de lieux lointains, mal connus, étranges et beaux.. Un voyage dans des conditions difficiles de la Turquie à l'Afganistan en passant par l'Iran, en direction de l'Inde, effectué avec peu de moyens, une voiture fatiguée, des conditions climatiques rudes, mais si bien vécu de l'intérieur par l'auteur qu'il parvient sans peine à immerger son lecteur dans les mondes étranges qu'il traverse et à lui faire rencontrer une population bien différente de celle qu'il est habitué à cotoyer.
Ce voyage a eu lieu dans les années cinquante, et ce récit est d'autant plus étonnant et intéressant à lire que les conditions politiques ont bien changé depuis ces années dans ces régions, et qu'il serait encore plus difficile (pour d'autres raisons) de refaire ce voyage dans les mêmes conditions maintenant.
Partis faire un tour Catherine et Manuel Morin
Un tour du monde effectué par deux jeunes gens, en avion, et moto, depuis l'Amérique du Nord, en passant par l'Inde et les confins de l'Himalaya, jusqu'à l'Australie, la Nouvelle Zelande et les îles du Pacifique. Il ne s'agit pas de professionnels de l'écriture, (l'éditeur non plus ne doit pas être un professionnel vu le nombre de fautes de typographie), mais l'ensemble de cet intéressant récit est plein de fraîcheur, voire d'ingénuité. C'est agréable à suivre, même si on aurait aimé plus de détails, c'est réconfortant de voir leur ténacité, leur optimisme, leur soif d'aventure. Un livre sympathique et humain en tous cas.
La route de Lhassa A.H.Savage-Landor
Il faut impérativement remettre ce livre dans son contexte, sinon, il devient illisible, tant dans sa forme que dans son fond. Il s'agit du récit d'un anglais aventureux, à la fin du dix-neuvième siècle, qui entreprend un voyage vers le Thibet et sa capitale, interdite aux étrangers, au travers de l'Himalaya. Cette histoire est tout à fait rocambolesque et bien peu crédible : le passage de cols à presque 6000 mètres, sans le moindre équipement, à part quelques couvertures, ou encore la longue scène de tortures d'où l'auteur ressort parfaitement indemne et sans séquelles, refaisant en sens inverse et à pieds plusieurs centaines de kilomètres... En plus les habitants de ces contrées sont montrés comme des sauvages, brutaux, cruels et veules, à l'inverse de l'homme si hautement civilisé qu'est Monsieur Savage-Landor. Nonobstant tout ça, il faut prendre cet ouvrage comme un récit d'aventure à la Jules Verne, sans y accorder une once de véracité, en le replaçant soigneusement dans l'idéologie du temps, et ainsi, il deviendra un document d'époque, et présentera quelque intérêt sur l'écriture d'un récit de voyage en 1897.
L'arche des Kerguelen Jean-Paul Kauffmann
A la poursuite d'un fantasme.. C'est avec beaucoup de talent que Jean-Paul Kauffmann raconte un voyage dans ce bout du monde que sont les îles Kerguelen, dans cet endroit inhospitalier où transitent quelques scientifiques et autres militaires, au milieu des falaises basaltiques, des prairies balayées par un vent continuel, loin de toute terre habitée par des humains. Les descriptions sont remarquable de précision et de poésie, on en viendrait à envier l'auteur et à avoir envie d'aller là-bas ! Un parfait dépaysement, dans un bout de France peu facile d'accès, et peu facile à vivre non plus. Très différent de la vision de cet autre auteur.
Voyageurs extraordinaires John Keay
Avec un style proche de celui en usage à l'époque où vivaient les voyageurs étudiés, l'auteur raconte les différentes aventures de grands explorateurs du dix-neuvième siècle, originaux et peu connus du grand public. Leurs voyages, souvent extravagants (traverser l'Afrique Equatoriale en tenue féminine de l'époque victorienne, faire le tour du monde à pieds, escalader l'Himalaya en chaussures de ville, etc...) sont racontés avec un certain humour et un ton détaché qui en augmentent encore la saveur. Ces excentriques, qui ne manquent ni de panache, ni de courage, méritent de faire parler d'eux, au même titre que d'autres, qui n'avaient pas la même originalité. Un ouvrage très sympathique.
Des récits de voyage, plutôt des impressions de voyage, écrits par différents auteurs, de Paul Morand à François Nourissier, en passant pas Michel Déon et Pierre Mac Orlan. Ces grands professionnels écrivent remarquablement, mais si c'est très beau, c'est aussi très froid, avec la sensation que la forme a pris le pas sur le fond. On s'y ennuie un peu, et on aurait préféré plus de spontanéité, plus de chaleur, même si ce sont de splendides pages littéraires.
Oasis interdites Ella Maillart
C'est toujours très triste de tourner la dernière page d'un livre écrit par cette femme extraordinaire qui sait si bien raconter ses voyages. Avec beaucoup de pudeur, beaucoup de détails, d'observations fines, et une façon de penser et de réagir qui n'appartient qu'à elle, Ella Maillart nous entraîne cette fois en Chine, immense pays qu'elle traverse, à cheval, à dos de chameau, ou à pieds, jusqu'en Inde, en compagnie d'un journaliste anglais, et de divers personnages de toutes les ethnies rencontrées. Tout ceci se passant juste avant la Seconde Guerre Mondiale, dans un pays en proie aux luttes et aux diverses influences, dans des conditions d'hygiène et de déplacements très dures, ce qui n'ôte pas l'humour discret et léger de l'auteur, ni son inébranlable optimisme. On la suit, de Pékin à l'Himalaya, tout au long de ce que l'on pourrait qualifier d'exploit, en rêvant, en admirant la performance, et en découvrant des zones aussi mystérieuses qu'inconnues du grand public, même actuellement. Un livre magnifique !
Un vocabulaire précis et riche, un style somptueux, des descriptions extraordinaires, une classe littéraire indéniable, des décors rares, des couleurs étranges et magnifiques... Justement, tout ça, c'est trop beau, trop académique, trop parfait, il y manque un supplément d'âme, autre chose que de splendides images. Tout au long de ce livre, on a l'impression que l'auteur ne s'implique pas dans son voyage, qu'il regarde défiler déserts et gens devant ses yeux, qu'il ne cherche ni à nouer un contact avec ceux qui l'accompagnent, ni à connaître un peu plus de leur vie. Donc, un beau spécimen de "belles lettres", mais un ouvrage assez ennuyeux.
Dans l'oeil du diable Alain Chenevière
Plus que des récits de voyage il s'agit dans ce livre de réflexions sur des voyages extrêmes, dans des pays difficiles, l'auteur affrontant une multitude de dangers bien éloignés du tourisme ordinaire. Cet ouvrage est remarquablement écrit (l'auteur est agrégé de grammaire..), dans une langue dont on a trop perdu la saveur actuellement. Son attachement à des peuples dits sauvages, ses efforts pour les comprendre, vivre en leur compagnie, se fondre dans leurs moeurs, tout ceci est évoqué avec pudeur, talent, justesse. Jamais l'auteur ne sombre dans l'angélisme, il déplore et stigmatise les tares de certains personnages, et n'accepte pas plus le racisme aveugle que la discrimination inversée. On pourrait seulement lui reprocher un athéisme récurrent et profond qui est le seul concept où Alain Chenevière manque de nuance et d'ouverture d'esprit, ce qui cadre mal avec ce personnage curieux (au sens large du terme) et tolérant.
Un beau récit de voyage, original en plus parce qu'effectué par deux femmes seules, à la veille de la Guerre de 39-45, en voiture, depuis la Suisse jusqu'en Afghanistan. L'auteur ne s'attarde pas sur les difficultés matérielles rencontrées, qui ont pourtant du être nombreuses parce que les routes dans ces régions à cette époque ne devaient pas être des autoroutes avec tous les approvisionnements possibles, mais décrit longuement, précisément, avec un grand sens poétique les paysages et les gens rencontrés. En plus, elle évoque sa cohabitation avec sa compagne de voyage et les gros problèmes de cette dernière, avec pudeur et psychologie. Très bien écrit, très intéressant, ce livre mérite une lecture attentive, surtout actuellement où cette région du globe est depuis quelques années déjà sous les feux de l'actualité. On y trouvera une "autre vision" du Moyen Orient, loin des guerres et des luttes fratricides, berceau de la culture humaine, avec ses paysages somptueux, la fierté de ses habitants, et sa si longue histoire...
Leurs mains sont bleues Paul Bowles
Des récits de voyages effectués par un Américain, dans la première moitié du vingtième siècle, entre l'Asie et l'Afrique du Nord. Bien plus qu'une suite de descriptions ou qu'une collection d'anecdotes, cet ouvrage s'attache à l'impression laissée par les lieux et les gens rencontrés. Les différentes ambiances, les couleurs, les odeurs, le soleil, la mousson, le sable, on les perçoit, on les ressent en lisant ces quelques pages finement écrites et subtilement évocatrices. Il ne s'agit plus là de tourisme au sens banal du terme, mais d'immersion dans des atmosphères différentes, enrichissantes, nouvelles encore plus dépaysantes qu'une simple description de paysages ou de coutumes locales. Très réussi.
Une superbe aventure dans l'Antarctique, vécue par un couple parti à bord d'un voilier, dans le but d'hiverner en lisière du continent. Comme on aurait envie de les accompagner, malgré les difficiles conditions climatiques, tant leur enthousiasme est communicatif ! Les descriptions de ce pays de glace, d'eau sombre, de lumières irisées sont extraordinaires, et, pendant tout le temps de la lecture, on est transporté ailleurs, avec des yeux aussi émerveillés que ceux de Sally et de Jérôme. S'ils sont sensible à la fragile écologie de ces lieux, ils ne s'attardent pas à des sermons moralisateurs, ou à un élitisme de mauvais aloi (n'y allez surtout pas, c'est trop beau, vous pourriez l'abimer, vous..) ils privilégient le plaisir qu'il y a à vivre en ces lieux, à surmonter les difficultés matérielles, à observer les animaux, à contempler ces splendides décors, toutes choses qu'ils savent parfaitement bien faire partager à leur lecteur. Merci Sally !
Sous l'aile du grand corbeau Emeric Fisser
"De Seattle au détroit de Bering". Un long, très long périple, en canoe, à pied, en traineau à chiens, au travers de l'Alaska, bravant l'océan, le grand froid, tous les périls dans une nature tout aussi magnifique que souvent hostile ! On suit l'extraordinaire aventure de cet homme seul, à l'indestructible volonté qui sait faire naître autour de lui diverses présences amicales lesquelles, comme une grande chaîne déployée au travers du pays, l'aideront à aller jusqu'au bout de sa quête. On est tellement proche d'Emeric Fisset tout au long de ce voyage, que sa fin abrupte surprend et attriste (comme d'ailleurs, elle a du fort attrister l'auteur). Alors, à quand de nouvelles aventures vraies ? Parce qu'à suivre ce "héros", on est à la fois dépaysé et riche de tant de choses nouvelles...
Ce livre aurait du être passionnant, mais... malgré le décor exceptionnel (les déserts américains, du Mojave au Sonoran ont des paysages extraordinaires, tant au niveau de leurs couleurs, que de leur immensité), dans lequel se déroule ce difficile voyage, l'auteur, tout englué dans ses problèmes quotidiens (vivre comme un Indien quand on n'en est pas un), ne parvient pas à captiver son lecteur. Certes, on y apprend beaucoup de choses sur la faune, la flore, l'histoire et la vie de ses rares habitants, mais, surtout sur ce dernier point, le tout est teinté d'un anti-américanisme global et primaire qui gâche tout. On finit par plaindre ces pauvres chevaux qui n'avaient rien demandé, et qui sont sacrifiés à un goût de l'aventure extrême un peu pervers du narrateur... ce qui n'était sans doute pas du tout le but que ce dernier poursuivait !
Dans les pas de l'ours Emeric Fisset
"Une traversée solitaire de l'Alaska sauvage" : Emeric est parti de Barrow, au nord de l'Alaska, pour rejoindre Cold Bay, au sud (ce qui est encore très au nord de la Terre), à pieds ! Un pays immense à traverser, sans routes, sans habitants (ou si peu), avec un climat hostile, et une faune qui peut l'être aussi. On respire dans ce récit le grand air glacial de cette "last frontier" ! Mais pas seulement. L'auteur, curieux à la fois des paysages qu'il traverse et de l'histoire de cette terre, apprend beaucoup de chose sur le peuplement, les ethnies, et l'évolution de l'Alaska au lecteur qui peut ainsi satisfaire toute curiosité. De très belles photos illustrent ce périple, pour un ouvrage de qualité, dans la grande tradition de son éditeur (Transboréal) qui ravira tous ceux qui s'intéressent à ce lointain état des Etats-Unis, mais aussi les autres.
Unghalak, la quête sauvage Kim Hafes
Un jeune ingénieur français décide de traverser le Canada d'Ottawa jusqu'à la Mer de Beaufort, en canoe, au travers des lacs et des rivières, sur des milliers de kilomètres. Voilà un récit superbe, dans lequel on découvre le Grand Nord, son histoire, sa flore, sa faune, ses eaux glacées, ses bourrasques et ses tempêtes, sa beauté, son mystère et sa solitude. Bravant un climat difficile, des conditions matérielles précaires, des efforts constants, l'auteur nous emmène dans un périple où l'on ne s'ennuie pas une minute, décrivant cette nature qui se gagne et se contemple inlassablement, partageant avec son lecteur ses pensées, ses réflexions, ses expériences et tout ce que ce long voyage a fait changer profondément en lui. Des rencontres simples, des efforts raisonnés et enthousiastes, de la sincérité et de l'intelligence, tous les détails de ce livre contribuent à faire de cet ouvrage un inoubliable moment de plaisir de lecture. Enfin, c'est remarquablement écrit, une langue riche, un français parfait, un style fluide... Un grand écrivain, pour un grand et beau voyage !
Le Cap Horn Nicolas Hulot - François Pédron
Un livre fort bien illustré, traitant de la géographie, de l'histoire et des histoires de cet endroit aussi dangereux que mythique et inhospitalier de la planète. Les photos, et les gravures sont bien choisies, et le texte est de grande qualité. On est transporté entre icebergs, brouillards, vagues gigantesques, en compagnie d'hommes et de femmes qui n'ont peur de rien, sur des bateaux bien éloignés des machines hypersophistiquées de nos régatiers actuels, en se demandant tout au long du livre, comment un être humain peut résister à tant d'acharnement de la part de la Nature. L'histoire s'arrête à "maintenant", comme si "le plus dur avait été fait", et l'on referme le livre en tirant un grand coup de chapeau, à l'auteur, certes, mais aussi à tous ceux qu'il évoque tout du long des pages.
Thé de boeuf radis de cheval Patrick Borman
Un récit de voyage, d'un tour du monde du détroit de Magellan à l'Inde en passant par l'Indonésie et l'île de Pâques, par un homme seul, en avion, bateau, autobus. Plus que des descriptions, on y trouve des impressions, des sensations, de la touffeur équatoriale aux odeurs des rues de l'Asie, de la moiteur de Djakarta au grand vent des plaines argentines, des saveurs des nourritures du monde entier, à la magie des rencontres furtives et sans lendemain. Une écriture qui surprend au début, mais qui correspond bien au kaléidoscope des choses vues et senties au fil de ce si long périple, un livre dense, très dépaysant (et pour cause), fort intéressant, dont l'auteur boit le monde à grandes lampées, et en déguste toutes les découvertes.
Le léopard des neiges Peter Matthiessen
S'agit-il d'un récit de voyage, ou d'une méditation philosophique ? En fait, les deux. L'auteur part dans l'Himalaya, aux confins du Népal et du Tibet, avec un compagnon et quelques porteurs, sur les traces de l'invisible léopard des neiges, dans une nature vierge aux profondes vallées inaccessibles, aux pics vertigineux, dans le froid, la neige et l'altitude, en direction d'un sanctuaire au coeur du Dolpo. Voyage difficile, tant à cause des conditions atmosphériques que des problèmes nombreux qui se posent dans ce genre d'environnement, mais aussi quête initiatique, transcendance des éléments sur l'esprit humain qui s'ouvre à de nouvelles perspectives mentales. Les deux facettes de cet ouvrage s'interpénètrent harmonieusement, offrant tout à la fois des descriptions remarquables de réalisme du paysage et du climat du lieu, et des réflexions sur la religion, les coutumes, les modes de pensée d'un orient bien éloigné de nous. Ce n'est pas un livre qui se lise à toute allure, c'est un récit "à déguster", dans lequel on s'immerge, et que l'on quitte à regret, comme l'auteur qui, à la fin de son voyage, a retrouvé avec une infinie tristesse, le chemin de Katmandou.
Un couple, originaire du Texas, s'installe dans le nord du Montana, à la frontière canadienne, dans une vallée perdue et y passe son premier hiver.. tout ce livre est baigné par l'atmosphère si particulière qu'engendrent les grands froids, on y ressent très nettement à la fois les efforts physiques obligés des habitants, et aussi leur plaisir profond à vivre si près d'une nature belle et sauvage. Le côté feutré, immatériel d'un paysage de neige, les rafales du blizzard, le feu qui crépite et parvient à grand peine à tiédir l'air du chalet, tout ceci est si bien décrit, si bien suggéré qu'on est complètement immergé dans cette vie et ce lieu hors du temps, que le dépaysement est assuré, et qu'à l'instar des protagonistes, on en vient à regretter que le printemps arrive... Ce livre est écrit comme un journal quotidien, pudique, mais avec quelques touches de vie sociale, et un grand nombre d'observations animalières et végétales qui donnent tout à fait l'envie d'aller là-bas. Ce retour à une vie plus "vraie" a quelque chose d'authentique. Qu'elles sont belles les montagnes du Montana !
Génération Routard Philippe Gloaguen
La genèse de cet incontournable guide de voyage, le "guide du routard", qu'il serait incongru, actuellement, qui que l'on soit, de ne pas emporter dans ses bagages, dès que l'on sort de chez soi ! Il est amusant de voir qu'il n'en était pas ainsi au début, puisque cet ouvrage est issu de la génération des Hippies et autres Freaks qui prenaient la route (des Indes, et de Katmandou d'abord), avec un sac et trois sous en poche, pour voir le monde, aller au bout de leur quête plus ou moins mystique, en trouvant les meilleurs plans pour voyager le moins mal possible. Ce livre décrit les premières expériences des pionniers, ce qu'ils en ont tiré, les difficultés pour trouver un éditeur (certains doivent se mordre les doigts d'avoir refusé le projet à l'époque..), et montre ensuite la déferlante du succès de ce bouquin. Peut-on dire que "le Routard" s'est sérieusement embourgeoisé, comme ses auteurs d'ailleurs ? Sans doute, mais ainsi il a pu toucher un plus vaste public, et tant qu'il garde un esprit ouvert, anticonformiste et plein d'humour, peut-on le lui reprocher ? A lire pour ceux qui achètent systématiquement le Routard de l'endroit où ils se rendent.
Au vent des Kerguelen Christophe Houdaille
Eh bien, après avoir lu ce livre, en admettant qu'on n'ait pas pris froid, on n'a pas la moindre envie d'aller faire un tour sur ces îles de la Désolation ! L'auteur y parvient sur un petit voilier, et y séjourne de longs mois, en hiver et en été (mais y a-t-il vraiment une différence ?) avec comme seule compagnie les oiseaux et les éléphants de mer, ainsi que quelques fonctionnaires et autres scientifiques installés là-bas pour raisons professionnelles. L'ennui, c'est que Christophe Houdaille ne donne absolument pas l'envie de l'imiter, en évoquant ses difficultés, ses luttes perpétuelles contre les diaboliques conditions atmosphériques, ses doutes dans la solitude, et la monotonie de ses journées. On a l'impression que c'est presque un pensum pour lui, et s'il tente de faire partager son enthousiasme, il n'y parvient guère, malgré sa bonne volonté. Les paysages sont semblables, la présence permanente de la neige, de la pluie, du blizzard, de la mer déchaînée, rend ce livre assez ennuyeux, comme doit l'être un séjour prolongé dans ces îles perdues des mers australes.
Toujours aussi délicieux, cet Anglais aux voyages périlleux et pittoresques ! Cette fois, il part en Amazonie, avec quelques autochtones hauts en couleur, au milieu des insectes piqueurs, des oiseaux hurleurs, des reptiles hostiles, de la forêt équatoriale où il pleut sans arrêt, des cours d'eau infestés de piranhas, avec des Indiens authentiques et plus ou moins hostiles eux-aussi. C'est à la fois un récit de voyage, avec beaucoup de détails sur la faune et la flore, où l'on apprend énormément de choses, et où les descriptions sont si précises et si vivantes qu'on a vraiment l'impression de l'accompagner, et une foule de petites observations sur leur difficile vie quotidienne, pleines d'humour, d'auto dérision, et de joies. D'un bout à l'autre de ce livre, on se régale d'observer les différents caractères des explorateurs, tant autochtones qu'étrangers, leurs manies, leurs hantises, on mange avec eux du caïman bouilli et des intestins rôtis, on est piqué par les mouches et griffé par les lianes, et ressent un plaisir jubilatoire à les voir remonter les cours d'eau au milieu d'une faune particulièrement étonnante, sans perdre une once de leur sens de la vie et de l'amitié. En plus, quel fabuleux catalogue d'oiseaux en tous genre et d'animaux exotiques.. un véritable musée, si vivant !
Le tour du monde en train Philippe Melul
Un livre sympathique, sans plus. L'idée de base est originale, traverser l'Europe et l'Asie, puis l'Afrique et les Amériques en utilisant uniquement (ou presque, parce qu'il n'y a pas des trains partout, surtout pas sur l'océan) le train, c'est délicieusement rétro. Du Transsibérien, aux si aléatoires convois africains, pour terminer par les palaces roulants (et lents) américains, on fait en compagnie de l'auteur un voyage inhabituel. Mais on reste sur sa faim. A aller ainsi de gare en gare, de wagon en wagon, on ne voit pas grand chose du pays traversé, hormis ce qu'on voit au travers de la vitre du compartiment, et il y a tellement de temps perdu en démarches, négociations, problèmes administratifs que l'on se demande quel est l'intérêt d'un tel périple. De plus, l'auteur a un style sec, scolaire, plat, qui est gênant. L'idée était bonne, mais elle est mal traitée, il y manque du panache, de l'humour et de l'enthousiasme. Un livre très moyen, au fond.
Les passagers du Roissy Express François Maspero
Un récit de voyage. Mais bien loin d'un trekking au Népal ou d'une découverte des vestiges Inca, en fait, c'est le récit d'un voyage dans un endroit où des milliers de gens passent tous les jours sans regarder ce qu'il y a autour d'eux puisqu'il s'agit de la banlieue parisienne, et plus particulièrement de celle qui est desservie, au nord et au sud, par la ligne B du RER entre Roissy et St Remy les Chevreuse. Que faire, que voir, dans des lieux pareils ? Que peut-on découvrir entre La Courneuve et Aubervilliers ? Que peut-il y avoir d'intéressant dans cette triste banlieue, une des plus désespérante. Eh bien, beaucoup de choses, des gens, parmi ceux que l'on fuit et que l'on n'écoute pas, des souvenirs du passé, de l'Histoire, qui resurgissent entre deux tours HLM délabrées, des gares et des terrains vagues, des tags et de minuscules potagers, un restant d'esprit de clocher et une profonde solitude au milieu de la foule, bien d'autres richesses aussi que l'oeil observateur et ouvert de l'auteur permettent de redécouvrir et d'apprécier. Il y a tout au long de cet ouvrage une très grande poésie, une atmosphère indéfinissable faite de détails, de descriptions précises et originales, de rencontres et de paroles murmurées. C'est toute la vie au-delà de ce que perçoit le regard pressé et blasé de l'usager des transports en commun. Ce livre ne peut pas laisser indifférent, d'autant plus qu'il est remarquablement bien écrit, et que les photos sont superbes.
Sept femmes au Tibet Marie Jaoul de Poncheville
Journal de voyage d'un groupe de sept femmes, accompagnées de quelques Chinois pour l'intendance et le transport, depuis la Chine jusqu'au Tibet, sur les traces d'Alexandra David-Néel. Ce récit écrit au jour le jour, à la première personne, est très vivant. On cohabite pendant tout le temps du périple avec ces femmes et ces hommes, dont les mentalités différentes se télescopent, au milieu de paysages grandioses et de gens attachants. L'auteur y stigmatise les méfaits (c'est une litote) de l'invasion chinoise au Tibet, la volonté de l'occupant d'étouffer tout ce qui faisait la richesse et l'originalité du peuple Tibétain, et regarde avec beaucoup de tendresse les efforts de la population pour conserver religion et monuments, pratiques et spiritualité, malgré les énormes difficultés aussi bien politiques que climatiques. On visite en compagnie de l'expédition les hauts plateaux, les monastères, on a l'impression de goûter à la curieuse cuisine locale, de dormir dans des galetas dont l'hygiène élémentaire est bien souvent absente, c'est instructif, et totalement dépaysant. Seule la fin, qui raconte avec force détails les démêlés de l'équipe pour sortir le film de Chine, aurait pu être raccourcie sans dommage, mais tout le restant du livre est à apprécier pour la précision des détails, la peinture sensible et bien observée des habitants, et la beauté des paysages si bien décrits.
Au coeur de Bornéo Redmond O'Hanlon
Deux universitaires anglais (très anglais) s'en vont faire une expédition au coeur de la jungle de Bornéo en compagnie d'indigènes locaux, de livres d'ethnologie et de zoologie pour l'un, des oeuvres de Victor Hugo et de poètes anglais pour l'autre. Bien sûr qu'il s'agit d'un récit de voyage, plein de péripéties, évidentes quand on imagine le lieu si peu hospitalier qui est traversé (insectes voraces, reptiles en tous genre, hygrométrie considérable, chaleur accablante), mais ce qui frappe surtout c'est cet humour très british, omniprésent, fin et ténu, qui sous-tend tout l'ouvrage. Les dialogues sont particulièrement amusants, avec l'anglais approximatif des autochtones, et l'auto dérision constante des protagonistes. Ce n'est peut-être pas un documentaire sérieux (quoi que...) mais on passe un excellent moment avec ces deux britanniques et leurs compagnons d'équipée.
Irrésistible, l'humour de Mark Twain contant ses aventures et mésaventures dans l'Ouest Américain au temps des dilligences et des mines du Nevada. Un grand conteur, truculent et inventif, qui "en rajoute" pour le plus grand plaisir du lecteur. Le style est vif, drôle, et naturel. On vit réellement la vie dure et aléatoire de ces hommes de l'Ouest qui partaient droit devant eux, attirés par une nouvelle vie, sur de nouvelles terres, souvent bien peu accueillantes. Les détails sont savoureux et font revivre une époque révolue comme le ferait un documentaire à la fois amusant et instructif : ils sont tous tellement vivants, ces personnages, et si bien décrite leur vie quotidienne que l'on a l'impression d'être avec eux à Unionville, au bord du lac Tahoe ou à Carson City !
Le condor Christopher Isherwood
Un récit de voyage, tout juste après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, du Venezuela à l'Argentine, écrit sous forme de journal. L'auteur traverse toute l'Amérique du Sud en avion, automobile, train, rencontrant des tas de gens intéressants, et observant de grandioses paysages. Avec lui, on visite, on admire, on réfléchit, on s'immerge dans une culture différente, on croise des égarés, des auteurs émigrés, des artistes, des politiciens. Le tout est très vivant, très naturel, remarquablement bien écrit (traduit). L'auteur est à la fois réservé et enthousiaste, son oeuvre a quelque chose du Journal de Julien Green, par sa pudeur, et sa clarté. Tout y est vivant, proche, et pourtant assez général pour que le lecteur laisse vagabonder son imagination, et donne une furieuse envie d'y aller !
L'idiot du voyage Jean-Didier Urbain
Il est dommage que l'auteur de ce livre écrive dans une langue confuse, avec des redites, et des phrases lourdes, parce que son étude sur l'évolution depuis le " voyageur " d'autrefois jusqu'au " touriste " actuel, est originale et intéressante. Les concepts étudiés finissent par se dégager d'un certain chaos linguistique, et d'une multitude de références bibliographiques : on comprend que de l'homme qui voyageait seul, autrefois, pour découvrir et explorer le monde, sur sa fortune personnelle ou celle de ses commanditaires, on est passé au touriste, monsieur tout-le-monde, qui suit ce que les guides lui proposent, pour déboucher sur les expériences de l'extrême, si prisées par certains actuellement, lesquelles, quelque part, font retourner à l'idée du voyageur d'avant. Et la boucle est bouclée, dans un petit ouvrage qui ne manque pas d'atouts, mais qui aurait pu être mieux écrit.
Kaiko, voyage aux extrémités de la mer Xavier Le Pichon
Ce livre raconte d'étonnantes découvertes racontées avec enthousiasme et passion par un chercheur océanologue, au large du Japon. On y apprend dans la première partie des tas de choses sur la sismologie des profondeurs, sur la tectonique des plaques, sur la faune des fosses du Pacifique. L'auteur sait parfaitement se mettre à la portée d'un public de néophytes, et l'entraîner dans un domaine encore à explorer. La seconde partie raconte au jour le jour une plongée franco-japonaise, dans tous les détails de la préparation, des difficultés techniques, et des réussites obtenues. L'ensemble est très vivant, on voit ces hommes espérer, travailler, être parfois déçus et souvent si heureux de leurs découvertes, qu'on les envie un peu... Intéressera et passionnera même tous ceux qui aimeraient explorer l'univers inconnu des grands fonds océaniques et mieux connaître les étranges et inexorables mouvements de la croûte terrestre sur laquelle ils vivent.
Un minuscule opuscule, mais d'une densité et d'une pureté de diamant. Ce n'est plus de la littérature, c'est de la peinture, on croirait regarder une exposition de tableaux d'Utrillo, ou d'un impressionniste peignant Paris en petites touches précises et fines. Quel talent, pour exprimer en quelques mots savamment choisis une atmosphère, un bruit, une odeur, un lieu disparu... Toute l'âme de la capitale en quelques phrases, un bijou !
Trois milliards de voyages Didier Decoin
Très moyen ce petit livre. L'auteur a quelques idées originales, mais dans l'ensemble c'est plutôt fumeux et tiré par les cheveux. C'est une série d'élucubrations où l'on joue avec les mots. Pour Didier Decoin, tout est voyage, aussi bien naître que prendre l'ascenseur. Dans cette optique, voyagerait tout individu qui changerait de position. Pourquoi pas ? Mais la démonstration n'est guère convaincante. De plus, ce livre " date " terriblement. Ecrit en 1975, avec des références encore plus anciennes, on n'y connaît ni le TGV, ni le 747 et ce côté obsolète enlève encore à la crédibilité des propos de son auteur, qui auraient bien aimé être plus philosophique et intemporels. Raté !