Basilica (J'ai lu)
Premier tome d'une saga de 5 intitulée Terre des origines, cet ouvrage conte la quête initiatique d'un jeune adolescent aux prises avec les mutations de son monde natal, régi par un ordinateur vieillissant. Au premier abord, l'idée est séduisante, et les décors encore plus : une cité médiévale, d'inspiration mauresque, régie par les femmes dans un étonnant matriarcat, avec quelques personnalités intéressantes et une action soutenue sans être haletante. Puis, au fur et à mesure de la lecture, on commence à se poser des questions : une civilisation à qui il est interdit de connaître la roue, mais qui possède des avancées technologiques surprenantes semble peu crédible, les complexités familiales deviennent souvent gênantes, et on a du mal à s'abstraire du côté religiosité prêchante de l'ensemble. C'est un livre agréable à lire, indéniablement, mais on n'a pas forcément envie de continuer la lecture sur les quatre tomes suivants...
Avatars (L'Atalante)
Excellentes ces quelques nouvelles. Une mention spéciale pour "retour aux sources" et pour "à la niche", dans lesquelles l'idée de base et originale, le développement bien fait, et la chute parfaite. L'auteur explique dans sa préface pourquoi il a écrit de la science-ficion, et dans sa postface, il analyse ses sept nouvelles, la génèse de leur écriture, et les principes qui en font la base. Ces deux parties sont tout aussi intéressantes que les récits eux-mêmes. Dans la dernière, "l'originiste", on découvre une autre facette de cet auteur fécond et varié : une histoire qui se déroule dans l'univers de Fondation, d'Asimov, où Card réussit à faire oeuvre originale tout en gardant le "style Asimov" ! Sans doute pourra-t-on en préférer certaines, selon sa sensibilité personnelle, elles sont tellement différentes, mais de toutes façons, l'ensemble du recueil procure un authentique plaisir de lecture.
La stratégie Ender - T1 (J'ai lu)
Un livre parfaitement bien fait, d'une construction rigoureuse sans le moindre à peu près, sans la moindre incohérence. Une analyse fine des caractères, des motivations des personnages, une action remarquablement bien menée, une chute qui ne l'est pas moins, c'est de l'excellente littérature. Mais... un livre désagréable à lire, qui met mal à l'aise, dont certaines actions, et pas les plus spectaculaires, sont moralement répugnantes, dont le héros n'est pas bien sympathique, et les autres protagonistes non plus. Ce n'est pas un plaisir de lecture, c'est globalement déplaisant, même si c'est particulièrement bien fait, et on a plusieurs fois envie d'abandonner avant la fin, ce qui serait tout de même dommage ! Globalement, un excellent ouvrage que l'on peut parfaitement détester, et c'est ce paradoxe qui en fait peut-être tout l'intérêt...
La voix des morts - T2 (J'ai Lu)
Extraordinaire histoire qui laisse mentalement exangue quand on arrive au bout, et on y arrive très vite au bout, parce que c'est le genre de livre qu'il est impossible de quitter quand on l'a commencé. Beaucoup de talent, de maîtrise dans le déroulement de l'intrigue, de la psychologie profonde, de l'émotion qui ne tombe jamais dans la mièvrerie, de l'humanisme, des héros à l'idéologie nuancée et remarquablement étudiée, des situations originales, il est impossible de rester indifférent et d'oublier rapidement cet ouvrage. Le problème de la cohabitation de races intelligentes physiquement et mentalement totalement différentes est traité avec une philosophie réfléchie qui n'est jamais pesante tant elle est imbriquée dans l'intrigue. Deux tout petits points négatifs, cependant, l'obligation d'avoir lu le premier tome qui est loin de donner le même plaisir, et la satire de l'église catholique un peu trop appuyée (encore que le fait qu'elle puisse exister encore à cette époque éloignée soit une forme d'hommage rendu..). Autant le premier tome ne donnait pas forcément envie de lire le second, autant le second impose la lecture du troisième !
Xénocide - T3 (J'ai Lu)
Certes, il faut lire le troisième tome, mais si les deux premiers étaient rigoureux aussi bien dans l'intrigue que dans la psychologie des personnages, celui-ci est une véritable explosion, comme si l'auteur voulait tout dire et encore plus, et caser toutes les idées (qui sont nombreuses) dans un seul volume. Il en résulte un roman foisonnant, qui part sur plusieurs pistes à la fois, lesquelles ont quelques difficultés à se rejoindre à la fin ; des tas d'idées fusent, dans tous les sens, alourdissant plus qu'enrichissant un récit déjà bien touffu. La personnalité d'Ender est noyée au milieu d'un "bric à brac mystico-philosophique" (la phrase est de l'auteur, à propos d'autre chose que de son oeuvre, mais ça la décrit toutefois plutôt bien !) où chacun y trouvera quelque chose : une vrai caverne d'Ali Baba ! Toutefois, si ce n'est pas au même niveau que les tomes précédents, parce que trop de profusion nuit, et que la fin, avec le retour miraculeux d'un personnage du premier tome est trop factice pour être crédible, ça reste un bon livre, pour les inconditionnels de l'auteur, et pour tout lecteur qui n'aura pas peur de se perdre dans ce dédale...
La stratégie de l'ombre - T4 (L'Atalante)
Etrange roman ! La même histoire, les mêmes décors, les mêmes personnages que dans "La Stratégie Ender", et pourtant, ce n'est pas le même livre. Ce n'est pas un pastiche, ni un "remake". En utilisant une métaphore prise dans l'univers 3D, on pourrait dire que c'est la même scène vue par une caméra différente, avec un point d'intérêt central différent aussi. Le résultat donne un exercice de style curieux : l'écriture du même roman vu au travers d'un autre personnage... avec des choses en plus, et des choses en moins, puisque le héros n'est plus le même, mais avec un déroulement tout à fait identique, et les mêmes personnages secondaires. Peut-on accuser l'auteur d'avoir profité du succès d'un livre pour réecrire le même, à quelques années d'intervalle ? Peut-être un peu, bien qu'il s'en défende dans sa préface.. Mais il n'en demeure pas moins que cette expérience littéraire est parfaitement réussie, et qu'on prend autant d'intérêt à lire les aventures de Bean, et de retrouver Ender Wiggin, dans ce volume que dans le précédent. "La Stratégie de l'ombre" est toutefois moins rugueux, moins tranché, plus humain, moins "désagréable", moins "dérangeant", assoupli en quelque sorte par rapport à son prédécesseur... Est-ce l'auteur qui a vieilli entre temps, ou le lecteur qui avait besoin de ce second livre pour mieux apprécier le premier ?
Jason Valois (L'Atalante)
Une épopée intimiste, c'est ainsi qu'on pourrait qualifier cet ouvrage, même si les deux mots semblent tout à fait incompatibles. Une épopée, d'un côté, parce qu'il y a du souffle, de l'action, de l'envergure dans ce récit ; intimiste, parce que tout est basé sur la transmission de pensée, sur un don de télépathie et de connaissance mutuelle profonde et puissante qui n'a rien de spectaculaire. Très bien fait, original quant à son fil conducteur, intéressant à plus d'un titre, dépaysant, une bonne histoire, parfois un peu trop manichéenne avec une dimension pseudo-religieuse souvent surprenante, on aimerait en lire la suite...
Contes de Capitole et de la forêt des eaux (L'Atalante)
La suite de Jason Valois. En fait, il s'agit de plusieurs petites histoires se déroulant dans le cadre et avec certains personnages du précédent livre. On se demande en fait pourquoi... parce que l'auteur avait du mal à se détacher de ce qu'il venait d'écrire, et de quitter un monde qu'il venait de créer ? Ou parce qu'il avait d'autres choses à dire et ne savais comment le faire sans altérer l'histoire précédente ? Ces "morceaux" sont beaux, poétiques et agréables à lire, certes, mais n'apportent pas grand chose de plus au récit initial. Peut-être parce qu'on a moins envie d'en savoir plus que chez Asimov, Farmer ou... Tolkien !
Une planète nommée trahison (L'Atalante)
Sur une planète ont été exilées quelques familles dont chacune dispose d'un pouvoir spécifique : don de la magie, de la régénérescence d'organes, de la guérison, etc.. qui se battent avec leurs armes propres, de façon ouverte ou occulte, pour dominer les autres. Le héros, dont les mutations du départ ne sont guère ragoûtantes, entreprend un long périple, une sorte de quête initiatique, dont l'histoire suit les péripéties. D'épreuves dramatiques en renaissances miraculeuses, d'amis rencontrés en traîtres vaincus, on vit un récit rocambolesque qui ne manque toutefois pas de charme et de suspens. Chaque charisme de chaque peuplade rencontrée est plus ahurissant l'un que l'autre, mais si l'on n'y croit guère, on peut toujours apprécier les descriptions précises, l'originalité des différents décors, et la vivacité de l'histoire, qui, si elle ne laissera pas forcément un grand souvenir, reste agréable à lire et assez poétique pour être dépaysante.
La rédemption de Christophe Colomb (L'Atalante)
Une fois de plus, l'auteur du cycle d'Ender signe un petit chef-d'oeuvre, en s'attaquant cette fois-ci aux thèmes du voyage dans le temps. Malgré une unique petite facilité en un endroit bien précis de la trame narrative, La rédemption de Christophe Colomb est une oeuvre profonde, qui entraînera le lecteur à se poser de nombreuses questions sur le sens de l'histoire (si elle en a un !), la responsabilité des scientifiques et le devoir d'ingérence humanitaire (et ici historique). Les motivations des personnages sont extrêmement bien rendues, ce qui confère un grand réalisme à ce roman, une fois les prémisses Science-fictionnesques admises. D'après la couverture, ce roman semble s'inscrire dans un nouveau cycle (Observatoire du temps), mais l'on a du mal à imaginer une suite à ce récit qui n'en a nullement besoin, à moins d'imaginer d'autres histoires alternatives sans aucun lien avec celle-ci ? (A)
Un livre remarquable, une histoire superbe ! Des personnages très vivants, très attachants, qui réagissent de façon sensible et humaine (hélas avec un soupçon de mièvrerie, parfois) ; Un voyage dans le temps, dont la construction littéraire est rigoureuse et parfaitement réussie ; De profondes remises en question, tant du point de vue scientifique que philosophique, qui interpellent et angoissent aussi : faut-il délibérément changer le passé pour rendre l'avenir meilleur ? Peut-on sacrifier des milliers d'humains existants pour permettre à l'Histoire de changer de cap, d'évoluer dans un sens plus favorable ? (et sur quoi peut-on se baser pour l'estimer plus favorable ?). Cet ouvrage est à la fois une oeuvre de réflexion, une épopée historique, un récit d'aventure et, par certains côtés un documentaire d'ethnologie... A ne pas manquer. (H)
Les maîtres chanteurs (L'Atalante)
Quel beau livre, plein de poésie, d'originalité, de charme ! A part un chapitre grand guignolesque qui aurait pu être évité, on ressent un immense plaisir à sa lecture. Pourtant, si l'on y réfléchit un peu, n'est-il pas très inquiétant, le conditionnement moral et physique de cet "oiseau chanteur" ? Cette manipulation d'un être humain dès la plus tendre enfance ? N'est-ce pas un livre beaucoup plus grave et pessimiste que sa fraîcheur apparente ne le laisserait soupçonner ? Chacun y trouvera quelque chose, selon son humeur, ses idées et ses propres fantasmes.
L'homme transformé (L'Atalante)
Un recueil de nouvelles, d'angoisse, d'horreur, pas vraiment de science-fiction, et assez éloignées de ce que l'auteur a l'habitude d'écrire. Certaines sont réussies, d'autres sont à la limite de l'incompréhensible. En fait, la partie la plus intéressante de ce livre est la postface où Orson Scott Card explique la genèse des nouvelles, ce qu'il a ressenti en les écrivant, pourquoi il les a écrites. Et là, on appréhende mieux l'esprit dans lequel il était quand il les a rédigées, et certaines obscurités s'éclaircissent. Toutefois, ce n'est pas forcément une exégèse du travail d'écrivain que l'on recherche quand on choisit ce livre, et on risque d'être "trompé sur la marchandise", parce qu'au fond, ces nouvelles ne sont pas extraordinaires...